l'abbaye d'isle
L'ABBAYE D'ISLE
Dans l'origine, c'était une île entourée d'eau et de marais, placée entre deux courants de la Somme, habitée par des pêcheurs et traversée par une voie romaine.
Après la découverte du corps de saint Quentin, elle devint le siège d'une abbaye importante.
L'affluence des pèlerins qui venaient visiter l'endroit où Eusébie avait découvert le corps détermina les clercs à faire bâtir en 390 (Coliette : Charte du Comte Albert) un oratoire sur l'îlot et à y faire établir clercs et moines pour y faire des prières et recevoir les offrandes des pèlerins.
Les malades affluaient en grand nombre pour y boire l'eau du puits, afin d'être guéris de la fièvre où d'en faire des lotions pour soulager.
Ils venaient chercher l'eau sanctifiée par le sang de saint Quentin. On voyait affluer des aveugles, des malades, des bronchiteux, des paralytiques. Ainsi l'oratoire devint un "cellam", c'est à dire une celle pour la retraite des clercs.
Le quartier qui traversait le district d'Isle formait le quartier (Districus insulae), c'est à dire le détroit d'Isle. La rue principale allait depuis le bas de la ville jusqu'au plus grand bras de la Somme, sur lequel il y avait un bac.
Le second bras de la Somme se dirigeait à travers les jardins et prairies du couvent, vers la porte Mayeure qui donnait sur le chemin Romeré, c'est à dire la chaussée romaine conduisant à Reims.
Le bac fut remplacé par un pont de pierre vers 980.
La chapelle d'Isle et sa celle s'accrurent et formèrent une communauté séculière qui devenait riche.
Ils subirent malheureusement les ravages des Vandales en 407, et les dévastations d'Attila en 453. Elles eurent du mal à se relever des ruines et subirent d'autres épreuves en 842, 882 et 883.
On décida donc de fortifier la ville et de la fermer de murailles. La muraille du faubourg d'Isle renferma dans son contour toutes les habitations du district. Coligny parle de cette muraille qui était percée de deux portes : la porte Mayeure et la porte d'Isle puisque la ville était renfermée dans la même enceinte. A cette époque, cette dernière porte se trouvait au bas de la rue d'Isle, et n'a été construite qu'après le retranchement du district vers 1366, de l'enceinte générale de la ville. Cette séparation fut faite pour empêcher l'ennemi de saisir facilement la ville de ce côté.
Et c'est après 1557 qu'elle fût appelée Porte d'Isle. Coligny parle d'une porte qui était en réalité la porte du petit pont.
Côtoyant l'abbaye d'Isle, deux chaussées, l'une VICTUS MAJOR, conduisait à la porte Mayeure, l'autre, VICUS INSULENSIS, conduisait à la porte d'Isle ancienne.
Plusieurs abbé dirigèrent cette abbaye :
HUGUES 945
ANSELME 964-977
ARNOLD 977-994
EVRARD ou GERARD 1043-1047-1053
BAUDOIN 1100
GALTELIN 1103-1104
INGELBERT 1106-1110-1114-1122-1130
HUGUES 1170-1171-1174
MATHIEU 1178-1183-1184-1191-1201-1206
REGNIER 1216
HUGUES III 1212-1218-1224-1227
G…..ABBE 1230
PIERRE 1er 1234-1235-1236-1237
SIMON 1237-1241
GERARD III 1270-1272-1274
RENAUD 1285-1290-1294-1299-1302-1304
GAUTHIER 1306-1313-1315-1319
RAOUL 1341-1353-1365
FLORENT 1366
PIERRE II 1370-1371
JEAN 1er LE CLERC 1390-1403-1415
NICOLAS II DE LA PORTE 1427-1438
JEAN DE VADENCOURT 1438-1453-1471
JEAN DE BAILLEUL 1471-1492
JEAN DE BURY 1473-1492
PIERRE D'AUBUSSON (Cardinal) 1493
CHARLES DE BLANCHEFORT 1500
JEAN DE VERLY 1515-1529-1537-1549
JEAN DE BOURS 1549-1564
L'abbaye d'Isle fut tantôt commandée par le Roy, tantôt par des abbés élus par des religieux, mais à partir de 1564, on ne trouve plus que des abbés commanditaires.
La guerre en 1552, entre Henri II et Charles Quint, amena la ruine dans les villages et une peste noire décima les habitants que la guerre avait épargnés.
Les murailles tombèrent en ruines et en 1557, on incendia une partie des maisons pour ôter un abri aux espagnols.
L'idée de reconstruire cette abbaye sur l'emplacement de la Somme, qu'elle avait occupé pendant des siècles, ne vint à personne. Le génie militaire avait utilisé les matériaux des ruines de l'abbaye.
On chercha donc un nouvel emplacement et les études se portèrent sur un immeuble qui avait servi de réserve à grain. Un bâtiment provisoire se construit en 1564 et sera achevé en 1567, pour servir de logement aux religieux. En 1570, on élève une chapelle et on jette les fondations d'une église, grâce à la générosité de Charles Le Blond et de François de Luxembourg, au centre des terrains de la rue d'Isle et de la rue du Petit pont.
La communauté commence à renaître et prend le nom de SAINT-QUENTIN-EN-L'ISLE.
Au commencement du XVIIe siècle, un relâchement se fait sentir à cause des abbés commanditaires qui ne séjournaient pas dans l'abbaye et étaient trop longtemps absents. L'ancienne abbaye fut détruite en 1602 par les canons ennemis. A la révolution, l'abbaye fut occupée par le Tribunal du district de Saint-Quentin.
Cet état de choses dura jusqu'à l'an 9, époque où l'abbaye d'Isle fut vendue par un décret des administrateurs de la ville.Cette abbaye passa entre plusieurs mains, dont MM. Pierre et Louis Joly le 2 octobre 1821 pour l'établissement d'une filature. L'église ainsi que le cloître furent démolis, pour loger les machines.
Petite Histoire
Être enterré dans le cimetière n'était pas la seule faveur que briguaient les âmes pieuses, mais elles voulaient, par une sorte de dévotion particulière, revêtir dans les derniers moments de la vie, des habits de moine avant de rendre le dernier soupir, sinon chez eux, du moins dans leurs bras. Les religieux accordaient volontiers cette grâce, qui faisait participer le mourant aux mérites et aux indulgences de l'ordre de saint Benoît.
La Mère Eglise voulant prévenir les abus qui pouvaient résulter de cette pratique, leur fit défendre de prêter à qui que ce soit, cette sorte de secours spirituel. Les moines ne furent pas d'accord, car ils tiraient de cette pratique un bon revenu. Ils contestèrent auprès du Chapitre en leur reprochant de s'intégrer dans cette affaire. Le Doyen de l'église d'Amiens par une sentence de 1171, confirme la prohibition réclamée par le Chapitre et défendit aux moines de prêter leurs robes. L'abbaye regorgeait de richesses et cette abondance de biens créa plus tard d'autres abus ; on admettait des personnes étrangères à l'ordre et on leur laissait porter l'habit monastique. Une ordonnance de1292 réprima cette indiscipline. L'abbaye avait été aussi importante au XIIe siècle qu'elle fut choisie par les bénédictins pour y tenir une assemblée.
On retrouve aussi un décret de Philippe d'Alsace qui concède à l'Abbaye le droit d'écluse pour 3 moulins (Béquerel, le petit moulin, et le Grosnard), moyennant une redevance de 100 muids de froment.
Entourée d'une muraille au XIe siècle, ensuite retranchée au XIVe siècle, traversée par le canal à la fin du XVIIe siècle, entre la ville et le moulin Bequerel, elle est rendue à une circulation plus facile après 1808, par la démolition du bastion Vauban et le percement d'une route.
Ensuite assainie par l'assèchement de l'étang du bas, elle devient le centre d'une activité commerciale, grâce à l'établissement du chemin de fer, en 1849, sur l'emplacement de l'étang et des jardins de l'ancienne abbaye d'Isle.
On jeta plus de 600 wagons pour transformer cette partie de la ville et peu de parties de la ville ont été aussi souvent modifiées que le faubourg d'Isle.
Source : Etudes saint-quentinoises par Charles Gomart – Société Académique de Saint-Quentin.- Charles Journel Mémoires de la Société Académique de Saint-Quentin (volume V 2 ) - Desmaze Charles -Etude sur l'Abbaye de Saint -Quentin en L'isle -